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Le spectrographe

Dès la conception de la mission, il a été prévu d’inclure un instrument spectroscopique à bord de Gaia pour obtenir directement les vitesses radiales ainsi que la caractérisation physique des étoiles les plus brillantes du programme. Pour plus de détails, voir Les observations spectroscopiques.

En effet, l’instrument astrométrique de Gaia donne accès aux mouvements tangents à la sphère céleste, parallaxe trigonométrique et mouvements propres. L’instrument spectroscopique, appelé en anglais le Radial Velocity Spectrometer (RVS), permet d’en mesurer le complément essentiel : la vitesse radiale, 3ème composante de la vitesse spatiale, obtenue par la mesure du déplacement Doppler de l’étoile observée. L’ensemble distance + mouvement propre + vitesse radiale permet de déterminer la quantité physique intéressante pour l’étude cinématique et dynamique de la Galaxie et de ses voisines : la vitesse de chaque étoile par rapport au Soleil. De plus, ces mesures de vitesse radiale sont essentielles pour atteindre la précision astrométrique ultime (corrections dues à la vitesse radiale des étoiles très proches), ainsi que pour la détection des systèmes doubles ou multiples.

Le RVS travaille en lumière rouge, dans l’intervalle de longueur d’onde 845 - 872 nm, avec une résolution spectrale de 11500. Pendant les 5 années de mission, toutes les étoiles plus brillantes que la magnitude 16 environ (plus ou moins selon la couleur des étoiles), soit environ 150 millions d’étoiles, seront observées en moyenne 40 fois sur chacune des trois rangées de CCDs, soit 120 transits de CCD en moyenne. Comme pour les instruments astrométriques et spectrophotométrique, ce nombre dépend de la latitude écliptique des objets observés. La densité stellaire maximum pour que toutes les étoiles soient observées dans un champ est de 36 000 étoiles par degré carré. Dans les zones plus denses, les étoiles les plus faibles ne pourront pas être observées et la limite de complétude sera plus brillante que la magnitude 16.

L’instrument est ce qu’on appelle un spectrographe intégral de champ : la lumière de toutes les sources du champ observé est dispersée, le résultat étant un ensemble de petits spectres produits par chacune des sources. La dispersion de la lumière est obtenue grâce à un réseau entouré de quatre lentilles prismatiques en silice fondue. Ce module optique, montré sur la figure ci-dessous, est situé entre le miroir M6 et le plan focal. Voir le schéma de l’instrument.

L’instrument spectroscopique de Gaia
© EADS Astrium SAS, France, 10 Août 2011

Un filtre permet de limiter l’intervalle spectral observé à environ 270 Angströms (872-845 = 27 nm) pour éviter que les spectres soient trop grands et se superposent. Ce domaine spectral (voir figure de gauche ci-dessous, ligne orange) été choisi autour du maximum d’émission des étoiles de type G et K, les cibles les plus nombreuses de l’instrument. Pour les étoiles froides, de type F, G et K, le spectre est dominé par le triplet du calcium ionisé (849.80, 854.21, 866.21 nm) et contient de très nombreuses raies du fer, mais aussi des raies du chrome, du silicium, du nickel, du manganèse, du titane, etc. Pour les étoiles chaudes, les raies les plus fortes sont les raies de Paschen de l’hydrogène, celles du calcium ionisé et de l’azote. De plus, ce domaine spectral contient aussi une raie interstellaire diffuse, à 862.0 nm, qui est un bon traceur du rougissement interstellaire. Les raies principales pour des étoiles supergéantes de types A3 (chaude) à M2 (froide) sont montrées sur la figure de droite ci-dessous. Pour plus de détail, voir Les observations spectroscopiques et Katz et al. 2004 (en anglais).

Bandes passantes G, BP, RP et RVS
ESA
Spectres de supergéantes A3, G2 et M2
U. Munari, Coloque des Houches, 2001

Performances du RVS

Les performances du RVS vont permettre à Gaia de produire un relevé systématique de vitesses radiales, obtenu sur l’ensemble du ciel sans sélection préalable des objets observés pour cent fois plus d’étoiles que les surveys actuels ou en projet. Ces performances sont le résultat de l’accumulation des spectres observés pour la même étoile tout au long de la mission : en moyenne, ∼ 40 observations en 5 ans, soit environ 120 transits de CCD (3 transits par observation). La figure ci-dessous montre un exemple de deux spectres sol de la même étoile avec des rapports signal sur bruit équivalents à ceux d’un spectre obtenu en un transit de CCD du RVS et d’un spectre obtenu à la fin de la mission en additionnant, pour une étoile dont les caractéristiques spectrales ne varient pas avec le temps, l’ensemble des spectres observés. On remarque que même avec un S/N = 7, les raies du calcium ionisé sont encore bien visibles.

Exemples de spectres avec des S/N similaires à ceux qui sont obtenus par passage de CCD et à la fin de la mission
Munari, 1999, Balta Astronomy, vol 8, p 73

La précision sur la vitesse radiale dépend fortement de la magnitude et de la couleur des objets observés : elle va de 1 km/s pour les étoiles les plus brillantes à une quinzaine pour les plus faibles. Le tableau suivant donne les erreurs attendues sur la vitesse radiale, à la fin de la mission pour les trois types d’étoiles :

Type d’étoile Magnitude V [mag] Erreur sur la vitesse radiale [km/s]
Etoile bleue : B1V < 7.5 < 1
11.3 15
Etoile jaune : G2V < 12.3 < 1
15.2 15
Etoile rouge : K1III (*) < 12.8 < 1
15.7 15

(*) les nombres donnés ici sont pour une étoile pauvre en métaux.

De plus, pour les étoiles plus brillantes que la magnitude ∼ 12, soit pour plus de 5 millions d’étoiles, le RVS va aussi permettre d’obtenir des informations détaillées sur la physique des objets observés : distinguer les différents types d’objets (étoiles, quasars, etc.), déterminer les paramètres décrivant les atmosphères des étoiles et leur vitesse de rotation sur elles-mêmes, mesurer le rougissement interstellaire. Pour les étoiles plus brillantes que la magnitude ∼ 11, soit pour plus de 2 millions d’étoiles, l’abondance de nombreux éléments chimiques présents dans leur atmosphère sera aussi déterminée.

Calibration du RVS

Les spectres obtenus par Gaia sont d’excellente qualité et les caractéristiques du RVS, en particulier sa résolution spectrale sont conformes aux spécifications. La figure ci-dessous montre l’un des premiers spectres obtenus avec le RVS, comparé à un spectre obtenu au sol par l’instrument Narval, installé sur le télescope Bernard Lyot, de deux mètres de diamètre, au sommet du Pic du Midi de Bigorre. Ce dernier spectre a été ramené à la résolution spectrale nominale du RVS, 11500, par un procédé mathématique. La comparaison de ces deux spectres montre que la résolution spectrale du RVS est très bonne. Ce spectre est celui d’une étoile rouge froide, de type spectral K5 et de magnitude 6.64, HIP 86564 (© ESA/DPAC/O. Marchal, D. Katz, C. Soubiran).

Spectres RVS et sol d’une étoile rouge
© ESA/Gaia/DPAC/Airbus DS ; Observatoire de Paris, GEPI : D. Katz, O. Marchal ; Observatoire de Bordeaux : C. Soubiran

Pour plus d’informations sur les spectres qui sont obtenus par le RVS, les observations et les précisions attendues, voir Les observations spectroscopiques, l’étalonnage de l’instrument, et Observations et précisions dont la dernière partie donne des informations plus détaillées sur les performances du RVS.

2015/04/16