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Variabilité spectroscopique d’étoiles à émission

26/06/2019. Le deuxième catalogue Gaia, Gaia DR2, contient des données astrométriques (positions, mouvements propres et parallaxes trigonométriques) très précises pour plus de 1,3 milliard d’étoiles, mais aussi, pour la première fois, des données du spectrographe de Gaia, le Radial Velocity Spectrometer (RVS) : des vitesses radiales médianes pour plus de 7,2 millions d’étoiles (voir Gaia DR2 : 7,2 millions de vitesses radiales).

Grâce au mouvement de balayage continu du satellite, chaque source sera observée en moyenne 40 fois par le RVS au cours des 5 années de la mission nominale (jusqu’au 24 juillet 2019), et donc significativement plus selon la durée des extensions acceptées (voir Gaia en quelques dates). Les spectres observés à chacun des transits ainsi que les vitesses radiales individuelles demandent encore à être validés et ne seront publiés que dans Gaia DR4. Cet article donne un aperçu de la qualité de ces spectres et des possibilités ouvertes quant à l’observation de la variabilité spectroscopique de certains types d’étoiles. Ils ont été obtenus au cours de la validation du traitement des données spectroscopiques. Les unités de temps indiquées dans les animations ci-dessous sont les six heures correspondant à une rotation du satellite sur lui-même. Ces animations montrent à quel point les spectres de ces étoiles variables peuvent se modifier au cours du temps.

Les vitesses radiales des catalogues Gaia sont essentiellement obtenues en mesurant le décalage Doppler des trois raies en absorption du triplet du calcium ionisé, entre 845 et 872 nm (proche infrarouge). Ces raies d’absorption sont créées par les éléments chimiques présents dans les couches externes de l’atmosphère des étoiles : calcium ionisé, mais aussi fer, silicium, titane, etc. dans les étoiles froides de type G-K, les raies de l’hydrogène puis de l’hélium devenant de plus en plus marquées lorsque l’on va vers les étoiles F, A puis B (voir Les observations spectroscopiques). Cependant, certains types d’étoiles montrent des raies en émission qui peuvent être dues à l’activité chromosphérique, à des transferts de matière entre composantes d’étoiles binaires en interaction ou provenir d’atmosphères très étendues ou de disques circumstellaires équatoriaux.

Les étoiles de type RS CVn (dont l’étoile RS Canum Venaticorum est le prototype) sont des étoiles variables composées d’un système binaire dont l’une ou les deux composantes présentent une forte activité magnétique produisant de larges taches similaires aux taches solaires. L’intensité de l’émission dans les raies H et K du calcium ionisé dans cette ou ces composantes froides est une mesure de l’activité chromosphérique. Les variations du spectre de l’étoile HIP 114639 (SZ Psc), de magnitude G=7,08, montrées sur la Figure 1, sont une bonne illustration de ce phénomène : les raies du calcium ionisé, la plupart du temps en absorption sont, par moment, en émission.

Figure 1 : Variations au cours du temps du spectre RVS de l’étoile double SZ Psc (HIP 114639). SZ Psc est un système à double spectre de période 3,97 jours, composé de deux composantes froides : une étoile F8 V-IV (naine brillante) et une K1 IV (sous-géante) orbitant l’une autour de l’autre en produisant des éclipses partielles. Dans les spectres, on peut voir les contributions de chacune des deux composantes et l’inversion des raies du calcium ionisé due aux raies qui sont en émission à certaines époques. L’échantillonnage en temps des observations du RVS n’est pas régulier, mais, sur moins de deux semaines, on voit déjà clairement ces émissions apparaître : à la révolution n°1541,97. © ESA/Gaia/DPAC/CU6, O. Marchal et Y. Frémat

Les étoiles Be (prononcer B-e) sont un deuxième exemple d’étoiles montrant une forte variabilité spectrale avec des raies en émission. Ces étoiles sont des étoiles chaudes de la séquence principale montrant de fortes raies en émission essentiellement la raie Hα de l’hydrogène, formées dans un disque équatorial ou une enveloppe en forme d’anneau.

La rotation rapide de ces étoiles entourées d’un disque gazeux produit des profils de raies très différents selon l’inclinaison du disque par rapport à la ligne d’observation : un seul pic lorsque le disque est vu du dessus, deux pics de tailles et de séparations différentes selon l’angle d’observation. La séparation entre les deux pics (V, pour violet à gauche) et R (pour rouge à droite) et leurs intensités dépendent de l’angle sous lequel on observe l’étoile mais aussi de la vitesse de rotation et de la taille du disque. Ces variations sont illustrées sur la Figure 2.

Figure 2 : Schéma illustrant les différents profils des raies en émission observables dans les spectres des étoiles Be selon l’angle sous lequel on observe le disque entourant l’étoile. A : observation perpendiculaire au disque. B : angle d’observation intermédiaire. C : observation dans l’axe du disque.© ESA/Gaia/DPAC/CU6, O. Marchal et Y. Frémat

L’émission est la plus marquée dans la raie Hα de l’hydrogène, mais elle peut aussi être détectée à toutes longueurs d’onde, selon la température de l’étoile et l’angle sous lequel le disque gazeux est observé. Dans le domaine spectral du RVS (845 à 872 nm), les étoiles Be les plus chaudes montrent souvent des raies de Paschen de l’hydrogène en émission. Les étoiles Be sont variables, non seulement spectroscopiquement, mais aussi photométriquement, avec des périodes de variation allant de quelques jours à plusieurs années. De plus, les raies en émission sont aussi très variables, d’intensité et de forme (les intensités relatives des deux pics, violet et rouge variant elles aussi). Un exemple est montré sur la Figure 3 : FW CMa (HIP 35951), de type spectral B3V. Ses raies en émission se combinent avec les raies photosphériques en absorption.

Figure 3 : Variations au cours du temps du spectre RVS de l’étoile FW CMa (HIP 35951). FW CMa est une étoile Be, de type spectral B3V.© ESA/Gaia/DPAC/CU6, O. Marchal et Y. Frémat

D’autres exemples sont montrés dans la Gaia image of the week du 29 mai 2019 ainsi que des suggestions de lectures complémentaires (en anglais).