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15 janvier 2025 : un nouveau départ pour Gaia !

15 janvier 2025. Jusqu’à il y a une cinquantaine d’années, si on demandait à Google « Quel est le problème le plus difficile en astronomie », la réponse état, sans équivoque possible, « la mesure des distances » :

  • « One of the most difficult, if not absolutely the most difficult » Curtis (1911),
  • « The direct determination of stellar parallax is perhaps the most difficult problem in astronomy » Bailey (1919)
  • « Arguably, distance determination » Elitzur (1992).

Depuis, il y a eu Hipparcos, qui a ouvert la voie, et puis Gaia !

Ce 15 Janvier 2025 marque une nouvelle étape pour Gaia, cette mission de l’Agence Spatiale Européenne absolument unique en son genre : Gaia va arrêter de balayer le ciel et d’arpenter la Galaxie. Faute de gaz, les observations scientifiques vont être arrêtées et Gaia va être soumise à toute une série de tests technologiques avant de partir sur une orbite qui l’éloignera du système Terre-Lune et, finalement, d’être « endormie » pour éviter toute interférence avec d’autres engins spatiaux.

Mais, après, il reste une masse considérable de données à traiter et à rendre disponibles et utilisables par les astronomes, non seulement des données astrométriques (distances et mouvements des étoiles et des astéroïdes), mais aussi des données photométriques (luminosités apparentes de tous les objets observés et variations de ces luminosités, dans plusieurs domaines de longueurs d’onde) et des données spectroscopiques (vitesses radiales, vitesses de rotation des étoiles sur elles-même, spectres observés à chaque passage des objets dans le plan focal de Gaia). Les dernières publications reposent respectivement sur l’analyse de 34 mois de données pour Gaia DR3 en juin 2022 et l’analyse partielle de 66 mois de données pour Gaia FPR en octobre 2023. Le quatrième catalogue, Gaia DR4, prévu pour 2026 sera le résultat de l’analyse complète de 66 mois de données, la durée initialement prévue pour la mission, mais seulement la moitié de sa durée réelle. Il contiendra pas moins de 550 To de données. Finalement, Gaia DR5, prévu pour 2030 au plus tôt, sera le résultat de l’analyse complète de l’ensemble des plus de 10 années de données collectées par Gaia.

Les précédentes publications de Gaia ont déjà entraîné des révisions majeures de notre compréhension de la structure, de la formation et de l’évolution de notre Galaxie, ont permis une détermination très précise des orbites de plus de 150 000 astéroïdes et ouvert la voie à la découverte de lunes autour de nombre d’entre eux, et enfin, permis de réaliser un carte d’une exhaustivité sans précédent de plus d’un million de quasars. Voir le communiqué de presse de l’ESA.

Nouvelles vues d’artiste de notre Galaxie, la Voie Lactée, d’après les données Gaia.
Figure 1 (à gauche) : Vue de face.
Figure 2 (à droite) : Vue de profil.
Gaia a modifié notre vision de la Voie lactée : avec des observations extrêmement pointues d’une grande partie de la Galaxie, Gaia a permis de préciser de nombreux aspects de sa structure, en particulier le nombre et la position des bras spiraux ou l’orientation de la barre centrale et sa connexion aux bras spiraux. Aucun vaisseau spatial ne pourra jamais aller prendre une photo de notre Galaxie vue de l’extérieur mais Gaia nous en fournit le meilleur aperçu possible actuellement et on attend avec impatience ce que nous révèleront les deux prochains catalogues, en particulier Gaia DR5 avec l’ensemble des données obtenues pendant la totalité des 10 années et demie de la mission.
© ESA/Gaia/DPAC, Stefan Payne-Wardenaar. CC BY-SA 3.0 IGO or ESA standard License

On attend avec impatience les prochaines surprises !

Pour mieux réaliser à quel point Hipparcos, mais surtout Gaia, ont provoqué un saut immense dans nos connaissances des distances et des mouvements des étoiles (et bien d’autres paramètres pour Gaia !), on peut observer les deux tableaux ci-dessous. Le Tableau 1 montre l’évolution difficile de la compréhension de l’immensité de la distance des étoiles, seulement tranchée par les premières mesures de parallaxes trigonométriques : celle de 61 Cygni par Friedrich Wilhelm Bessel en 1838 marque le début de ces observations si délicates. Presque à la même époque, Friedrich Georg Wilhelm von Struve et Thomas Henderson mesurent respectivement les parallaxes de Véga (alpha de la Lyre) et de alpha du Centaure.

Tableau 1 : la distance des étoiles au cours des siècles

Nom Date Distance (109km)
Aristarque -280 « immense »
Ptolémée 150 0,13
Copernic 1500 « immense »
Tycho Brahe 1580 0,09
Képler 1600 220
Newton 1685 150 000
Bessel-Struve-Henderson 1837-1839 > 40 000

La lente progression du nombre d’étoiles dans les catalogues de parallaxes trigonométriques et le saut extraordinaire apporté par Hipparcos mais surtout par Gaia est montrée dans le tableau 2. A cela, il faut ajouter un bond en précision encore plus impressionnant : on est passé de environ 1 seconde d’arc pour les mesures au sol, soit du diamètre d’une pièce d’un Euro vue d’une distance de 5 km (déjà difficile à imaginer !) à 1 millième de seconde d’arc pour Hipparcos et quelques microsecondes d’arc pour Gaia ... La Figure 1 illustre les ordres de grandeur de ces incroyables précisions.

Tableau 2 : Nombre d’étoiles des catalogues de parallaxes triginométriques au cours des 20 et 21ème siècles

Date Nom Nom du Catalogue Nombre d’étoiles)
1904 Newcomb 72 étoiles
1924 Schlesinger First General Catalogue of trigonometric parallaxes 1870 étoiles
1963 Jenkins Yale Parallax Catalog 7 000 étoiles
1995 van Altena, Lee, Hoffleit Fourth General Catalogue of trigonometric parallaxes 8112 étoiles
1997 Perryman et al., ESA 1200 The Hipparcos Catalogue 118 000 étoiles
2022 ESA/DPAC Gaia DR3 Catalogue 1,5x109 sources
∼2030 ESA/DPAC Gaia DR5 Catalogue 2x109 sources

Figure 3 : ordres de grandeur (© C. Turon)

Voir aussi