Gaia EDR3 : 3 décembre 2020
03/12/2020. La première partie du troisième catalogue Gaia est publiée le 3 décembre 2020 à midi. Les données sont accessibles depuis l’archive Gaia de l’Observatoire de Paris, depuis l’archive Gaia de l’ESA ou depuis le Centre de Données de Strasbourg à travers les outils VizieR, Aladin et leur outil d’identifications croisées.
La conférence de presse donnée à l’Observatoire de Paris ainsi que le programme de présentations scientifiques et de la conférence grand-public du soir, sont disponibles ici.
Gaia EDR3
La publication du troisième catalogue Gaia est scindée en deux parties : Gaia EDR3 (Gaia Early Data Release 3), le 3 décembre 2020, et Gaia DR3 (Gaia Data Release 3) au premier semestre 2022. Ces deux catalogues sont basés sur l’analyse des données obtenues par Gaia pendant les 34 premiers mois de mission, du 25 juillet 2014 au 28 mai 2017. En comparaison, Gaia DR2 était construit à partir de 22 mois de données et Gaia DR1 de seulement 14. L’époque de référence de Gaia DR3 (EDR3 et DR3) est 2016.0, alors que celles de DR2 et DR1 étaient respectivement J2015.5 et J2015.0.
Figure 1 : Carte du ciel tracée à partir des positions, éclats et couleurs des 1,8 milliard d’étoiles de Gaia EDR3, observées par Gaia entre juillet 2014 et mai 2017. On y distingue clairement le plan de notre Galaxie, la Voie lactée, très riche en étoiles, mais aussi en poussières qui obscurcissent la lumière provenant d’étoiles en arrière-plan. Si on zoome sur n’importe quelle partie de la carte, on voit la multitude de points qui la compose, même dans les zones très peu denses en étoiles (voir l’outil de visualisation disponible sur le site de l’ESA). On y voit aussi, dans la partie droite en bas, les deux taches laiteuses que forment l’ensemble des étoiles observées par Gaia dans les Grand et Petit Nuages de Magellan. ©ESA/Gaia/DPAC.
Gaia EDR3 est une avancée majeure par rapport à Gaia DR2 en termes de précision, d’exactitude et d’homogénéité des données astrométriques et photométriques. Il contient un plus grand nombre de sources : environ 1,8 milliard de sources, entre les magnitudes G≈3 et G≈21, avec une quasi-complétude entre les magnitudes G=12 et G=17. La complétude varie avec la densité en étoiles : de G≈20 dans le plan galactique et autour des Nuages de Magellan à G≈22 aux plus hautes latitudes galactiques. On distingue encore, beaucoup plus faiblement que pour les deux catalogues précédents, les variations du nombre d’observations dues au mode de balayage du ciel de Gaia. L’étoile la plus brillante de Gaia EDR3 a une magnitude de G = 1,73 (eps UMa).
Figure 2 : Le ciel de Gaia EDR3 avec les mouvements propres de 2000 étoiles en 800 000 ans. Les traits sont d’autant plus longs que les mouvements des étoiles sont plus grands. © ESA/Gaia/DPAC, CC BY-SA 3.0 IGO
Astrométrie Pour 1,5 milliard de ces sources, les parallaxes, les mouvements propres et la couleur (GBP-GRP) sont également disponibles. Par rapport à Gaia DR2, la précision sur les parallaxes trigonométriques est améliorée d’environ 30% et celle des mouvements propres est typiquement deux fois meilleure. De plus, les erreurs systématiques ont été également fortement réduites (d’un facteur ∼ 2,5). Les positions et mouvements propres sont rattachés à la troisième réalisation du repère de référence Gaia (Gaia-CRF3, Gaia Reference Frame), aligné sur le repère de référence international (ICRF) à mieux que 0,01 milliseconde de degré. Gaia-CRF3 est matérialisé par 1 614 173 QSOs, soit trois fois plus que pour Gaia DR2.
Photométrie La photométrie est, elle aussi, plus précise, mais surtout beaucoup plus homogène sur l’ensemble du ciel et sur toute la gamme des magnitudes et des couleurs, sans aucune erreur systématique supérieure à 1%. Le système photométrique de Gaia DR3, G, GBP, GRP, est un peu différent de celui de Gaia DR2. Les bandes passantes utilisées sont illustrées sur la Figure 3. Pour comparaison, sont aussi tracées les bandes passantes nominales calculées avant le lancement (Jordi et al. 2010) et utilisées pour Gaia DR1. Les transmissions réelles sont meilleures que les spécifications d’origine.
Figure 3 : Bandes passantes utilisées pour le catalogue Gaia EDR3. Les lignes colorées de la figure montrent les bandes G (en vert), GBP (en bleu), GRP (en rouge), définissant le système photométrique de Gaia EDR3. Les fines lignes grises montrent les bandes passantes nominales calculées avant le lancement (Jordi et al. 2010) et utilisées pour Gaia DR1. © ESA/Gaia/DPAC, P. Montegriffo, F. De Angeli, M. Bellazzini, E. Pancino, C. Cacciari, D. W. Evans, et l’équipe CU5/PhotPipe.
Liste des objets observés Les identificateurs de Gaia EDR3 sont construits sur le même principe que pour les publications précédentes. Comme expliqué (en anglais) dans l’annonce Gaia DR2, les identificateurs Gaia varient d’une version à l’autre pour diverses raisons (une source peut avoir changé, apparu ou disparu), mais des identifications croisées Gaia EDR3 versus Gaia DR2 sont fournies. Il faut noter que la liste des objets observés est de plus en plus stable et que les changements entre Gaia DR2 et Gaia EDR3 n’affectent que 2 à 3 % des sources.
Vitesses radiales Pour faciliter l’utilisation du catalogue, les 7 millions de vitesses radiales de Gaia DR2 sont incluses dans EDR3, après la suppression d’un petit nombre de valeurs erronées. Un grand nombre de nouvelles vitesses radiales seront publiées dans Gaia DR3. Par ailleurs, de nombreuses identifications croisées avec d’autres catalogues (Hipparcos-2, Tycho-2 + TDSC, 2MASS PSC (avec 2MASX), SDSS DR13, Pan-STARRS1 DR1, SkyMapper DR1, GSC 2.3, APASS DR9, RAVE DR5, allWISE, et URAT-1) sont incluses dans EDR3.
Contenu de EDR3 Le tableau ci-dessous donne le contenu de EDR3, et la comparaison avec Gaia DR2 et DR1.
Nb de sources dans Gaia EDR3 | Nb de sources dans Gaia DR2 | Nb de sources dans Gaia DR1 | |
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Nombre de sources avec positions | 1 811 709 771 | 1 692 919 135 | 1 142 679 769 |
Nombre de sources avec magnitude G | 1 806 254 432 | 1 692 919 135 | 1 142 679 769 |
Sources avec parallaxes et mouvements propres | 1 467 744 818 | 1 331 909 727 | 2 057 050 |
Sources avec magnitude bleue, GBP | 1 542 033 472 | 1 381 964 755 | — |
Sources avec magnitude rouge, GRP | 1 554 997 939 | 1 383 551 713 | — |
Sources Gaia CRF (*) | 1 614 173 | 556 869 | 2 191 |
Sources avec vitesse radiale | 7 209 831 issues de Gaia DR2 | 7 224 631 | — |
* Sources Gaia CRF = sources extragalactique (QSOs ou galaxies compactes) de système de référence céleste (Celestial Reference Frame).
Premières applications de EDR3 La publication de Gaia EDR3 est accompagnée de plusieurs articles décrivant en détail le catalogue et le traitement des données ainsi que de quatre articles, publiés dans Astronomy and Astrophysics, démontrant son potentiel scientifique dans quatre domaines différents :
- un recensement très complet des étoiles proches du Soleil : 331 312 étoiles situées à moins de 100 pc du Soleil, permettant nombre de recherches sur les luminosités, la cinématique et les orbites de ces étoiles, en particulier les plus faibles de celles-ci. Le nombre d’étoiles connues pour être à moins de 100 pc du Soleil est multiplié par 10 par rapport à Hipparcos grâce à Gaia EDR3 (Hipparcos ne pouvait observer que des étoiles brillantes) ;
- une étude détaillée des différentes populations d’étoiles, d’origine galactique et extragalactique, en direction de l’anticentre galactique. Dans cette région de notre Galaxie, opposée au centre galactique, on peut distinguer beaucoup plus clairement les perturbations que notre Galaxie a subies tout au long de son histoire, en particulier les variations de la dimension du disque ;
Figure 4 (à gauche) : Nombre d’étoiles dans un rayon de 10, 25 et 100 pc avec des parallaxes dans le catalogue Gaia des étoiles poches, comparées à celles qui ont été mesurées par Hipparcos et au sol. Les surfaces des disques sont proportionnelles aux nombres d’étoiles. Les disques se superposent lorsque les étoiles ont été mesurées dans les différents programmes © ESA/Gaia/DPAC - CC BY-SA 3.0 IGO.
Figure 5 (à doite) : Illustration de la zone couverte par Gaia vers l’anticentre galactique. Image de fond : une galaxie observée par Hubble qui pourrait ressembler à la nôtre © Image de fond : ESA/Hubble, Croquis : ESA/Gaia/DPAC
- une étude complète de la structure, de la cinématique et des propriétés des deux Nuages de Magellan et de leurs différentes populations d’étoiles, ainsi que du pont (le Magellanic Bridge) qui les relie, montrant le courant d’étoiles partant du Petit Nuage de Magellan et allant vers le Grand Nuage. C’est la première fois que l’on peut mesurer le mouvement de rotation d’une galaxie spirale (le Grand Nuage de Magellan), vue de l’extérieur ;
- une étude des mouvements propres des quasars de Gaia EDR3 qui révèle l’effet d’aberration dû à l’accélération du barycentre du Système Solaire par rapport au repère de référence des sources extragalactiques distantes. Cette mesure est en bon accord avec les attentes théoriques et fournit la première mesure de la courbure de l’orbite du système solaire autour du centre de la galaxie dans l’histoire de l’astronomie optique. C’est l’amélioration spectaculaire de la qualité de l’astrométrie et la diminution drastique des erreurs systématiques qui ont rendu cette mesure possible.
Figure 6 (à gauche) : Visualisation de la rotation du Grand Nuage de Magellan. C’est la première fois que l’on peut mesurer le mouvement de rotation d’une galaxie spirale vue de l’extérieur © Gaia Collaboration, X. Luri, et al. 2020 A&A.
Figure 7 (à droite) : Mouvements des étoiles observées par Gaia et situées à moins de 1000 pc du Soleil. Les lignes indiquent la direction moyenne dans laquelle les étoiles semblent se déplacer dans le ciel, reflétant le mouvement moyen du soleil par rapport aux étoiles environnantes ESA/Gaia/DPAC, CC BY-SA 3.0 IGO.
Plus d’information (en anglais) sur le site Gaia de l’ESA, avec quelques exemples d’applications.
Gaia DR3
Le catalogue complet Gaia DR3 est prévu pour le premier semestre 2022. Il contiendra l’ensemble des données astrométriques et photométriques publiées dans Gaia EDR3, pour le même ensemble de sources et beaucoup de données supplémentaires :
- Classification des objets et paramètres astrophysiques,
- Spectres obtenus par le spectrographe et par les spectrophotomètres (données nouvelles par rapport à Gaia DR2),
- vitesses radiales moyennes, pour les étoiles dont les paramètres atmosphériques sont déterminés (pour beaucoup plus d’étoiles que dans Gaia DR2 car déterminées jusqu’à une magnitude limite plus faible),
- Classification des étoiles variables et photométrie à l’époque (pour beaucoup plus d’étoiles que dans Gaia DR2 car l’intervalle de temps couvert par les observations est nettement plus long),
- Résultats obtenus pour les objets du Système Solaire (détermination préliminaire des orbites et observations individuelles),
- Résultats pour les étoiles doubles ou multiples (données nouvelles par rapport à Gaia DR2),
- Résultats pour les Quasars et les objets étendus,
- Un ensemble de données supplémentaires, appelé Gaia Andromeda Photometric Survey (GAPS), composé des observations photométriques individuelles de *toutes* les sources situées dans un champ de rayon de 5,5 degrés centré sur la galaxie d’Andromède.