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Gaia et les exoplanètes

25/02/2022. À ce jour, près de 5000 exoplanètes ont été découvertes (voir l’Encyclopédie des Planètes Extrasolaires). Parmi celles-ci, plus de 3500 l’ont été par la méthode des transits et près d’un millier par celle des vitesses radiales. L’observation directe, par imagerie, n’a pu être réalisée que pour moins de 200 systèmes, la détection par microlensing pour 170 et la détection astrométrique pour seulement 15 planètes. Chacune de ces méthodes a ses biais observationnels : un transit sera d’autant plus marqué que la taille de l’exoplanète sera grosse comparée à celle de l’étoile et que la planète sera proche de l’étoile ; une variation de vitesse radiale sera d’autant plus facile à observer que la planète sera plus massive et plus proche de son étoile, donc sa période plus courte. Par contre, la perturbation du mouvement d’une étoile sur le ciel sera d’autant plus grande que l’exoplanète sera plus massive et plus loin de son étoile, donc avec une période de révolution plus longue.

Figure 1 (à gauche) : Le transit d’une planète devant l’étoile autour de laquelle elle est en orbite produit une légère diminution de la luminosité de l’étoile (© Wikipedia).
Figure 2 (à droite) : Perturbation du mouvement d’une étoile sur le fond du ciel, dû à la présence d’une planète en orbite autour de l’étoile. La ligne en tirets représente le mouvement propre de l’étoile entre 2018 et 2021 (en fait, le mouvement propre du centre de gravité du système étoile-planète qui est quasi-identique à celui de l’étoile). La courbe en pointillés noirs combine les effets du mouvement propre et de la parallaxe trigonométrique. Enfin, la courbe rouge montre la perturbation (très exagérée pour qu’elle soit visible sur la figure) due à la présence d’une planète en orbite autour de l’étoile (© M. Perryman, 2018).

La détection astrométrique de la présence d’une planète nécessite la mesure de perturbations minuscules du mouvement sur le ciel de l’étoile autour de laquelle elle est en orbite. Ceci explique le peu d’exoplanètes détectées jusqu’ici par cette méthode. Les quelques résultats obtenus l’ont été à force de mesures répétées et extrêmement soigneuses effectuées soit avec Hubble (McArthur et al. 2010), soit avec le Very Large Telescope (Sahlmann et al. 2016), ou avec l’interférométrie à longue base (Very Long Baseline Interferometry, Curiel et al. 2020).

Avec ses observations systématiques de l’ensemble du ciel et sa remarquable précision tant astrométrique que photométrique, on attend beaucoup de Gaia. Dès les premières études ayant conduit à sa conception (Lindegren & Perryman, 1996) et à sa proposition à l’Agence Spatiale Européenne (ESA-SCI(2000)4), l’ampleur des possibilités de détection astrométrique d’exoplanètes était soulignée. Une étude détaillée de Perryman et al. (2014) montre que l’analyse de 10 années de données de Gaia pourrait permettre la détection astrométrique de quelques 70 000 (±20 000) exoplanètes de masses 1 à 15 masses de Jupiter. La publication des prochains catalogues Gaia permettra une estimation plus précise des capacités de Gaia dans ce domaine.

Transits planétaires observés par Gaia
Quant aux transits planétaires, un premier test avait été fait sur deux exoplanètes connues, WASP-19b et WASP-98b, confirmant les possibilités de détection de Gaia, utilisant conjointement les variations lumineuses dans les trois bandes photométriques G, BP et RP. Voir les bandes passantes de ces trois filtres, telles que déterminées par l’Unité de Coordination 5 chargée de l’analyse photométrique des données de Gaia pour Gaia EDR3. Les courbes en couleur correspondent au catalogue Gaia EDR3, les courbes en gris celles qui étaient estimées avant le lancement (Jordi et al. 2010).

Un nouveau pas a été récemment franchi avec la première détection photométrique d’un transit par Gaia autour d’une étoile de type solaire, Gaia EDR3 3026325426682637824. Les observations photométriques de Gaia dans les trois bandes G, BP et RP sont montrées sur la Figure 3. Des observations de vitesses radiales ont été effectuées pour estimer la masse de l’objet et confirmer sa nature planétaire. Elles sont mrontrées sur la Figure 4. La masse obtenue est de 1.1 ± 0.1 MJ.

Figure 3 (à gauche) : en haut : Données photométriques de Gaia dans les trois bandes G, BP et RP. En bas : les mêmes données, mais en fonction de la période orbitale estimée de la planète, 3.0525 +/- 0.0001 jours. Les transits de l’exoplanète devant son étoile sont clairement visibles. (© ESA/Gaia/DPAC/CU7/TAU+INAF, Aviad Panahi et al.).
Figure 4 (à droite) : en haut : Vitesses radiales de Gaia EDR3 3026325426682637824, mesurées au Large Binocular Telescope (LBT) avec le spectrographe PEPSI. La ligne bleue représente la meilleure solution Képlerienne. En bas : les mêmes données, mais en fonction de la période orbitale estimée de la planète (© ESA/Gaia/DPAC/CU7/TAU+INAF, Aviad Panahi et al.).

 

Exoplanètes détectées par la comparaison des positions et mouvements propres Hipparcos et Gaia
En attendant que les observations Gaia couvrent un intervalle de temps suffisant et que le traitement des objets non-simples (systèmes de toutes sortes), combinant astrométrie, photométrie et spectroscopie, soit possible, il a été proposé de détecter les exoplanètes en orbite autour d’étoiles proches en comparant le mouvement propre à long terme (différence entre les positions d’Hipparcos et de Gaia, séparées de 24 ans) et les mesures d’Hipparcos ou de Gaia (Kervella et al. 2019). Toute différence indique une anomalie, c’est à dire que le mouvement de l’étoile est perturbé par la présence d’un compagnon. Le principe de détection de cette anomalie est illustré par la Figure 5. Cette anomalie permet d’estimer le rapport m/r2, où m est la masse de la planète et r le rayon de son orbite autour du centre de gravité du système. Les résultats de cette première étude montrent que plus de 30% des 6741 étoiles plus proches que 50pc d’après les parallaxes trigonométriques de Gaia ont certainement un compagnon. Pour ces orbites à longue période, la complémentarité de Gaia avec les techniques des vitesses radiales et des transits (qui sont plus sensibles aux courtes périodes orbitales) est remarquablement puissante.

Avec les données de Gaia DR3, premières orbites d’étoiles avec exoplanètes
Gaia DR3 est la première version du catalogue Gaia avec des solutions spécifiques pour quelques centaines de millions d’étoiles non-simples, c’est à dire avec un ou plusieurs compagnons, stellaires ou planétaires. Ces nouvelles analyses utilisent conjointement l’ensemble des données de Gaia, astrométrie, photométrie et spectroscopie. La Figure 6 montre l’orbite de l’étoile HD 81040 telle que déterminée à partir des données astrométriques de Gaia DR3, projetée sur le fond du ciel. HD 81040 est une étoile de magnitude G ∼ 7.6 située à environ 35 pc du Soleil et de masse estimée à 0.96 ± 0.04 masse solaire. Environ 400 mesures astrométriques individuelles sur un intervalle de temps d’environ 900 jours ont été utilisées. Chaque mesure est indiquée par un point et une barre d’erreur qui reflète la direction du balayage du ciel par Gaia au moment de l’observation. L’orbite ainsi déterminée donne une période d’environ 150 jours et une masse de la planète de 8.04 -0.54+0.66 masses de Jupiter. La présence de ce super-Jupiter avait été découverte en 2006 par la méthode des vitesses radiales (Sozzetti et al., 2006). Gaia a, indépendamment, détecté le mouvement de HD 81040 entraîné par la présence de cette grosse planète. La demi-amplitude de ce mouvement orbital est d’environ 0.4 mas (milliseconde de degré), soit environ 3 ordres de grandeur inférieure au mouvement propre annuel de l’étoile (μα= -151.265 mas/an et μδ=35.708 mas/an dans Gaia DR2).
 

Figure 5 (à gauche) : Principe de la détermination de l’anomalie de mouvement propre. G est le centre de gravité du système A (étoile) - B (planète). Sa trajectoire est en pointillés bleus, μHG montrant le mouvement propre du système déterminé en comparant les positions Hipparcos (époque 1991,25) à celles de Gaia DR2 (époque 2015,5), soit 24 ans d’écart temporel. L’orbite de la planète autour du centre de gravité du système est en gris, celle de l’étoile en rouge, de dimensions très exagérées pour qu’elle soit visible. La trajectoire de l’étoile est en tirets gris. La flèche verte μG2 est le mouvement propre de A dans Gaia DR2. Les flèches rouges montrent les différences, d’une part entre μG2 et μHG, d’autre part, entre μH et μHG (© Kervella et al. 2019).
Figure 6 (à droite) : Orbite astrométrique de l’étoile HD 81040 déterminée à partir des données de Gaia DR3. Le barycentre du système formé par HD 81040 et une planète de masse égale à environ 8 masses de Jupiter est indiqué par une croix rouge. (© ESA/Gaia/DPAC, CC BY-SA 3.0 IGO).

 
Références
Gaia Image of the Week First Transiting Exoplanet by Gaia
Recherche d’exoplanètes avec Gaia, J. Lequeux, L’Astronomie, janvier 2022
Gaia Image of the Week Astrometric orbit of the exoplanet-host star HD81040
Articles scientifiques
Gaia concept and technology study report, ESA-SCI(2000)4
Kervellla P. et al., A&A 623, A72, 2019
Kervellla P., Arenou F. et Thévenin F., A&A 657, A7, 2022
Li Y., et al. AJ 162, 266, 2021
Lindegren L. & Perryman M., A&A suppl. Ser. 116, 579, 1996
Perryman M. et al, ApJ 797, 14, 2014
Sozzetti A ; et al., A&A 449, 417, 2006

Voir aussi
Les Petits livres de Gaia