Accueil > La mission > Les résultats ! > Gaia FPR : Gaia et le milieu interstellaire

Gaia FPR : Gaia et le milieu interstellaire

Gaia observe près de deux millions d’étoiles, leur position, leur distance, leurs mouvements sur le ciel et sur la ligne de visée, et aussi leurs luminosités et, grâce au spectrographe inclus dans le télescope Gaia, le Radial Velocity Spectrometer (RVS), la distribution spectrale de la lumière qu’elles émettent. Cependant, entre les étoiles (et aussi entre les galaxies) se trouve de la matière, le milieu interstellaire, composé de gaz et de poussières. Il absorbe la lumière des étoiles (celles-ci vont paraître plus faibles ou plus lointaines qu’elles ne sont en réalité) et la modifie (la lumière bleue est plus absorbée que la lumière rouge) : ce sont l’extinction et le rougissement interstellaires. Aussi, dans les spectres des étoiles, en plus des multiples raies, témoins de la présence de divers éléments chimiques dans l’atmosphère des étoiles, apparaissent des bandes d’absorption appelées bandes interstellaires diffuses (Diffuse Interstellar Bands, ou DIBs, en anglais). Ces bandes ont été découvertes en 1922 par l’astronome Mary L. Hegger et la ou les molécules qui les produisent restent un mystère tenace. Les plus probables sont des molécules carbonées (Fulleren), éventuellement combinées avec de l’hydrogène (Naphtalene, Antracene, ou ?). Deux de ces bandes sont dans l’intervalle de longueur d’onde observé par le RVS (845 - 872 nm) : à 862.1 et 864.8 nm). La difficulté est que ces raies sont beaucoup plus faibles que les raies des étoiles.

Figure 1a à gauche : Les différentes molécules qui pourraient être à l’origine des DIBs, figure extraite de la présentation d’Antonella Vallenari à l’EAS 2023 Annual Meeting
Figure 1b, à droite : le spectre d’une étoile supergéante bleue obtenue avec le RVS. La flèche rouge indique la présence d’une bande interstellaire diffuse (DIB). © ESA/Gaia/DPAC/CU6/Observatoire de Paris-Meudon/Olivier Marchal, Carine Babusiaux & David Katz.

Gaia allie trois qualités essentielle pour apporter un renouveau à ces études :

  • l’acquisition de spectres pour des millions d’étoiles,
  • une couverture complète et répétée de l’ensemble du ciel,
  • la détermination extrêmement précise des distances des étoiles observées,
  • la détermination simultanée des caractéristiques physiques de ces étoiles,
    et enfin, l’homogénéité de l’ensemble de ces données.

Pour détecter ces deux bandes d’absorption, en particulier celle à 864.8nm, nettement plus faible que celle à 862.1nm, un spectre de référence est construit à partir des observations d’étoiles avec le même type spectral que l’étoile visée mais situées à hautes latitudes galactiques, régions de la Galaxie pauvres en poussières et gaz. En combinant les spectres de ces étoiles de référence, un spectre de référence est obtenu pour cette région de la Galaxie. Le spectre de l’étoile visée est alors soustrait au spectre de référence, révélant les deux DIBs. Voir Figure 2.

Figure 2 : Détection des deux bandes DIBs observables dans l’intervalle de longueur d’onde du RVS (à 862.1 et 864.8nm) pour des étoiles situées dans un cube défini par ses coordonnées sur le ciel et sa distance au Soleil. Ici, 2,12 kpc. © ESA/Gaia/DPAC, figure extraite de la présentation d’Antonella Vallenari à l’EAS 2023 Annual Meeting

Avec cette nouvelle publication de données, Gaia est le premier instrument cartographiant ces deux bandes interstellaires diffuses, en particulier la plus faible à 864.8nm, avec autant de détail, sur tout le ciel, et en fonction de la distance au Soleil. La distribution des zones où sont détectées ces deux DIBs sur une carte du ciel en coordonnées galactiques est montrée dans la Figure 3 pour la distance de 1,67 kpc.

Figure 3a à gauche : carte du ciel montrant la distribution de la détection de la DIB à 862,1nm dans les spectres d’étoiles situées à 1,67 kpc du Soleil ; coordonnées galactiques. Le centre galactique est au centre de la figure. © ESA/Gaia/DPAC - C BY-SA 3.0 IGO. Remerciements : Mathias Schultheis et Rosanna Sordo, article Gaia Focused Product Release : spatial distribution of two diffuse interstellar bands by Gaia Collaboration, M. Schultheis, et al.
Figure 3b, à droite : même carte, mais pour la DIB à 864,8nm.

La Figure 4 montre la distribution de la détection de la DIB à 862,1nm sur la Galaxie vue de face et de profil, dans Gaia DR3 (dans ce catalogue, seule cette DIB était publiée) et dans Gaia FPR. Le progrès est spectaculaire : Gaia FPR permet d’atteindre des distances presque deux fois plus grandes du Soleil. Les vues de profil (en haut et à droite des deux figures) montrent clairement les concentrations de matière interstellaire dans le plan galactique.

Figure 4 : Cartes de la distribution de la détection de la DIB à 862,1nm : la Galaxie vue du dessus et de profil. À gauche : dans Gaia DR3. À droite : dans Gaia FPR. © ESA/Gaia/DPAC - C BY-SA 3.0 IGO, Article Gaia Focused Product Release : spatial distribution of two diffuse interstellar bands by Gaia Collaboration, M. Schultheis, et al.

La détection de ces deux bandes interstellaires diffuses, fortes et faibles, avec une telle précision et dans une si grande partie de la galaxie, devrait permettre de faire la lumière sur la nature des macromolécules à l’origine de ces bandes d’absorption.

Adapté de : Revealing both strong and weak diffuse interstellar bands with Gaia, © ESA/Gaia/DPAC, Tineke Roegiers, Rosanna Sordo, Mathias Schultheis, Orlagh Creevey

Références