Gaia observe aussi des astéroïdes
19/02/2020. Depuis le démarrage des observations scientifiques, le 21 août 2014, Gaia balaye l’ensemble du ciel avec régularité et observe systématiquement tous les objets plus brillants que la magnitude G=21, à l’exception de ceux qui sont plus brillants que G≈3 : une immense majorité d’étoiles, mais aussi un grand nombre d’astéroïdes. La Figure 1 montre les zones du ciel où, pour une position donnée de la Terre sur son orbite autour du Soleil, les astéroïdes sont observables ou non par Gaia et, de même, les zones observables ou non depuis la Terre. Gaia est le premier survey complet du ciel produisant une ensemble homogène d’observations d’objets du système solaire (SSO = Solar System Objects) avec des positions, magnitudes et spectres dans les longueurs d’onde visibles. En particulier, les observations de Gaia couvrent idéalement tous les objets qui orbitent entre le Soleil et la Terre. Il faut cependant remarquer que les instruments de Gaia ont été conçus pour observer des objets de diamètre apparent négligeable ou très petit. Ils sont parfaits pour l’observation de tous les petits objets du système solaire : astéroïdes géocroiseurs, astéroïdes de la ceinture principale (orbitant entre Mars et Jupiter), troyens de Jupiter (précédant ou suivant Jupiter de 60° sur son orbite), Centaures (orbitant entre Jupiter et Neptune), les plus brillants des objets trans-Neptuniens (dont les orbites sont entièrement ou majoritairement au-delà de l’orbite de Neptune), et les satellites des planètes, mais pas les planètes elles-mêmes.
Figure 1 (à gauche) : Vue d’artiste des zones du ciel observables avec Gaia et depuis la Terre. Les diamètres des objets et les distances ne sont pas à l’échelle. © ESA 2002. Illustration by Medialab
Figure 2 (à droite) : Distribution en excentricité et demi-grand-axe des 14 099 astéroïdes publiés dans Gaia DR2. NEA = Near Earth asteroids = géocroiseurs ; MBA = Main Belt Asteroids = astéroïdes de la ceinture principale ; Jupiter trojans = Troyens de Jupiter ; TNO = Trans-Neptuniens objects = objets transneptuniens. © Gaia COllaboration, F. Spoto et al, A&A 616, A13, 2018
Le deuxième catalogue Gaia, Gaia DR2, contient 1 977 702 observations de 14 099 SSOs obtenues sur 22 mois, entre le 5 août 2014 et le 23 mai 2016 (pour des raisons techniques, les observations des objets du système solaire ont commencé une dizaine de jours plus tard que pour les étoiles). Les principales classes de ces objets sont représentées dans Gaia DR2 : géocroiseurs (NEA = Near Earth asteroids), objets de la ceinture principale (MBA = Main Belt Asteroids), Troyens de Jupiter (Jupiter trojans), et quelques objets transneptuniens (TNO = Trans-Neptuniens objects). La Figure 2 montre la distribution en excentricité et demi-grand-axe des orbites de ces 14 099 astéroïdes. Tous ces astéroïdes étaient déjà connus par des observations au sol et ont été retrouvés dans les observations Gaia.
L’observation des petits objets du système solaire est, bien sûr, conditionnée par la géométrie du plan focal de Gaia et par la rotation régulière du satellite : les images des sources (et donc aussi de celles des SSOs) traversent régulièrement les 9 colonnes successives des CCDs du champ astrométrique. Une observation d’astéroïde est basée les mesures effectuées pendant un transit, c’est à dire pendant la traversée d’un seul CCD. Pour une étoile, le temps d’observation est égal au temps de transit d’un CCD, soit 4.4 secondes (ce temps est réduit si l’étoile est très brillante, pour éviter la saturation des images). L’image d’un objet du système solaire a un mouvement apparent dans le plan focal car la rotation du satellite est calibrée sur le mouvement des étoiles. En conséquence, son image est légèrement étalée dans la direction du mouvement et le signal est de plus en plus tronqué au fur et à mesure que l’objet se déplace vers le bord du champ. Seuls les astéroïdes ayant au moins 12 transits ont été retenus pour Gaia DR2. La précision des données astrométriques publiées est de l’ordre de 2 à 5 millisecondes d’arc (mas= milli-arcsecond) pour les astéroïdes les plus faibles (G ∼ 20.5) et meilleure que la milliseconde pour les objets plus brillants que G = 17.5.
Les orbites des 14 099 SSOs sélectionnés pour Gaia DR2 sont montrées sur la Figure 3. Le Soleil est au centre et les orbites de la Terre et de Jupiter sont représentées par des cercles blancs. A gauche, les couleurs varient avec la distance au Soleil, à droite avec les propriétés réfléchissantes de la surface des astéroïdes (leur albedo). Les informations sur l’albedo viennent ici de la mission WISE (Wide Infrared Space Explorer) de la NASA. Les futurs catalogues Gaia contiendront les spectres des astéroïdes et permettront leur caractérisation complète. On peut remarquer que certains géocroiseurs (en bleu clair ou bleu foncé) ont des orbites très elliptiques. Comme leurs orbites peuvent s’approcher jusqu’à 1.3 unité astronomique du Soleil alors que la Terre tourne autour du Soleil à une distance moyenne de une unité astronomique, ces objets peuvent éventuellement venir très près de la Terre.
Figure 3 : Orbites des astéroïdes sélectionnés pour Gaia DR2.
A gauche, les couleurs indiquent les distances moyennes au Soleil : bleu = NEA ; jaune et vert = MBA ; rouge = Troyens de Jupiter.
A droite, les couleurs indiquent l’albedo des astéroïdes : en rouge les objets sombres, essentiellement situés dans dans les régions externes ; en jaune et vert les objets plus brillants, plus proches du Soleil, avec un albedo intermédiaire ; et en bleu les objets avec un grand albedo. Les géocroiseurs ont une grande variété d’albedos. © ESA/Gaia/DPAC, P. Tanga.
Découverte de nouveaux astéroïdes
La très grosse majorité des astéroïdes observés par Gaia ont déjà été découverts par des observations au sol. Cependant, il arrive que les orbites calculées à partir des petits arcs observés par Gaia ne correspondent à aucun objet connu. Ces candidats astéroïdes sont alors publiés sur une site dédié, le Gaia Follow-Up Network for Solar System Objects, le Gaia FUN-SSO, coordonné par l’IMCCE (Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides) à l’Observatoire de Paris, et observés par un ensemble d’observatoires répartis sur tout le globe terrestre. Ce réseau fait parti du Gaia Data Processing and Analysis Consortium (Gaia DPAC).
Depuis la publication de Gaia DR2, les observations de Gaia et le suivi de ces candidats astéroïdes par les observatoires du réseau Gaia FUN-SSO, ont permis la détection de plusieurs nouveaux astéroïdes. Les orbites de trois d’entre eux sont montrées sur la Figure 4. Une fois confirmés, les caractéristiques des orbites de ces nouveaux astéroïdes sont envoyées au Minor Planet Centre (Smithonian Astrophysical Observatory, USA) qui a été chargé par l’Union Astronomique Internationale de centraliser ces informations. Chacun d’entre eux a alors reçu une désignation officielle : 2018 YK4, 2018 YL4, 2018 YM4. Ces nouveaux petits corps font partie de la ceinture principale d’astéroïdes, entre Mars et Jupiter, mais se déplacent sur des orbites très inclinées (15° ou plus) par rapport au plan de l’écliptique. Ce type d’astéroïdes est moins étudié que ceux qui orbitent dans le plan de l’écliptique et Gaia devrait contribuer à mieux les caractériser.
Figure 4 : Superposées aux orbites des 14 000 astéroïdes publiés dans Gaia DR2 (Figure 2 ci-dessus), les orbites (en blanc) de 3 nouveaux astéroïdes découverts par Gaia et confirmés par des observations au sol effectués par le réseau d’observatoires Gaia FUN-SSO, ici au télescope de 1,20 m de l’Observatoire de Haute Provence. © ESA/Gaia/DPAC.
Autres articles sur le Système Solaire : la chasse aux astéroïdes, une occultation par Pluton, Pluton et Charon, un transit de Lune, une comète parmi les étoiles.
Références :
- Gaia découvre 3 nouveaux astéroïdes
- Gaia’s first asteroid discovveries
- Asteroids in Gaia
- Gaia’s view of more than 14 000 astéroids
- Gaia will probe the asteroid blind spot
- Gaia DR2, Observations of solar system objects, Gaia Collaboration, F. Spoto et al., 2018, A&1 616, A13
- Detection of New Asteroids by Gaia, W. Thuillot et al., SF2A 2019, p 393.