L’origine du halo de notre Galaxie
22/01/2020. Notre galaxie, la Voie lactée, est une galaxie spirale barrée, composée d’un disque regroupant la majorité de ses quelques 100 milliards d’étoiles avec, en son centre un bulbe très brillant en forme de cacahouète (la barre) et un halo quasi-sphérique contenant des étoiles très vieilles et très pauvres en métaux et des amas globulaires. Notre Soleil est situé dans le plan galactique ce qui nous interdit d’observer l’ensemble de la Galaxie. D’après toutes les observations et simulations effectuées jusqu’à ce jour, elle pourrait ressembler à la galaxie NGC 4565 montrée sur la Figure 1.
Figure 1 : Galaxie spirale NGC 4565, qui pourrait être semblable à la nôtre. © ESO
Les données du deuxième catalogue Gaia, Gaia DR2, ont révélé qu’une partie des étoiles de notre Galaxie provenait d’autres galaxies. Elles ont été accrétées au cours de collisions successives mais ont gardé de nombreuses caractéristiques de leurs galaxies d’origine : leurs mouvements dans le plan galactique et perpendiculairement à celui-ci, leurs orbites, leurs compositions chimiques. L’extraordinaire précision des données de Gaia DR2 ainsi que leur exhaustivité sur l’ensemble du ciel ont permis de conclure qu’une grande partie des étoiles du halo situées à quelques kiloparsecs du Soleil ont été capturées par la Voie lactée lors d’une seule et unique collision et qu’elles représentent maintenant une composante importante du halo stellaire. Mais que sont les autres étoiles du halo ?
Une étude récente (Di Matteo et al. 2019, A&A 632, A4) combine les données de Gaia avec des données précises sur les abondances de divers éléments chimiques (relevé APOGEE, Data Release 14, Majewsky et al. 2017, AJ, 154, 94). La Figure 2 montre la distribution des étoiles de l’échantillon dans le plan [Mg/Fe] - [Fe/H] (abondance du magnésium relative à celle du fer en fonction de l’abondance en fer relative à celle de l’hydrogène). La majorité des étoiles du halo, avec [Fe/H] ≥ -1, sont regroupées dans deux séquences qui correspondent au disque épais (en haut) et au disque mince (en bas). Pour environ 1.5 % de l’échantillon, [Fe/H] est plus faible que -1. Ces étoiles à faible métallicité se regroupent le long de deux séquences : en haut (soulignées par une ligne rouge) des étoiles du disque épais qui suivent le mouvement de rotation global du disque galactique autour de son centre, en bas (soulignées par une ligne bleue) des étoiles accrétées avec une rotation rétrograde ou pas de rotation du tout. Ces deux groupes d’étoiles, d’origines différentes, sont clairement distincts même s’ils se recoupent par endroits, en particulier à très faible métallicité. Les étoiles accrétées représentent environ 60% de ces étoiles à faible métallicité. La surprise de cette étude est que l’analyse combinée des abondances chimiques et de l’empreinte cinématique de l’accrétion montre que les 40% restant sont des étoiles de l’ancien disque galactique chauffées par la collision : les vitesses de ces étoiles ont été perturbées par cet évènement. On distingue cette perturbation sur la Figure 3 qui montre l’apparition d’une plume dans le plan vitesse de rotation autour du centre galactique - abondance en métaux (illustrée par [Fe/H]) pour des valeurs de l’abondance en magnésium par rapport au fer de l’ordre de 0.2. Les étoiles de cette plume ont des abondances chimiques typiques du disque galactique, mais une cinématique semblable à celle des étoiles du halo.
A gauche, Figure 2 : Distribution des étoiles de l’échantillon étudié dans un plan montrant l’abondance en magnésium relative à celle du fer, [Mg/Fe], en fonction de l’abondance en fer relative à celle de l’hydrogène, [Fe/H]. L’échelle de couleur des contours donne les nombres d’étoiles (en échelle logarithmique). © Adapté de Di Matteo et al. 2019, Figure 2.
A droite, Figure 3 : Distribution de l’échantillon dans le plan vitesse de rotation autour du centre galactique, VΦ, en fonction de l’abondance en fer relative à celle de l’hydrogène, [Fe/H]. Chaque élément de l’animation correspond à un intervalle de l’abondance en magnésium. © Di Matteo et al. 2019, Figure 12.
La Figure 4 montre comment cette variation de l’abondance de magnésium par rapport au fer en fonction de l’âge des étoiles permet de dater à il y a entre 9 et 11 milliards d’années la collision entre notre galaxie et une galaxie naine, appelée Sausage ou Enceladus selon les auteurs. La bande grise horizontale correspond aux valeurs de l’abondance en magnésium auxquelles des étoiles de plus grande vitesse de rotation autour du centre de notre galaxie apparaissent dans la plume. La date de cette collision correspond aux phases finales de la formation du disque épais, à un moment où sa masse stellaire était de l’ordre de 1 à 2x1010 M⊙.
Cette accrétion a chauffé le disque, dispersant dans le halo stellaire une fraction importante des étoiles du disque. Le nouveau scénario qui se dégage de cette étude suggère que le halo est constitué uniquement d’étoiles accrétées et d’étoiles de l’ancien disque galactique chauffé par la collision. Cette étude jette un sérieux doute sur l’existence d’une troisième composante du halo, sans rotation, que l’on pensait avoir été formée pendant une phase initiale de la formation de la galaxie à la suite de l’effondrement du nuage de gaz proto-galactique.
Figure 4 : Variation de l’abondance en magnésium relative à celle du fer, [Mg/Fe], en fonction de l’âge des étoiles. © Di Matteo et al. 2019, Figure 16.
Des simulations numériques avaient anticipé ce résultat. Voir cette simulation N-corps de l’accrétion d’un satellite par une galaxie de type Voie Lactée (© I. Jean-Baptiste, 2016, Thèse de doctorat). Une partie des étoiles du disque est éjectée dans le halo.
Références :
- The Milky Way has no in-situ halo other than the heated thick disc
- The Milky Way has no in-situ halo other than the heated thick disc. Composition of the stellar halo and age-dating the last significant merger with Gaia DR2 and APOGEE.
Voir aussi Le mystère de l’origine du halo stellaire de notre Galaxie se dissipe.