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Du gaz et de la poussière !

26/01/2015. Observation, par Gaia, de raies d’absorption dues à la matière interstellaire.

Nébuleuse du Cône (NGC 2264)
ESO

Les galaxies ne sont pas seulement composées d’étoiles. Entre les étoiles (et aussi entre les galaxies) se trouve de la matière, le milieu interstellaire composé de gaz et de poussières. Ce milieu interstellaire, comme le brouillard sur Terre, absorbe la lumière provenant des étoiles : les étoiles vont paraître plus faibles ou plus lointaines qu’elles ne sont en réalité : c’est l’extinction interstellaire. Cet effet est fortement chromatique : la lumière bleue est plus absorbée que la lumière rouge et on parle de rougissement interstellaire : les étoiles apparaissent plus rouges qu’elles ne sont en réalité et il faut corriger cet effet pour déterminer les caractéristiques de leurs atmosphères. Enfin, ces atomes ou molécules de gaz ou de poussière produisent des raies, en absorption ou en émission, dans les spectres des étoiles. La figure de gauche montre des exemples de matière interstellaire absorbant la lumière d’éventuelles étoiles situées plus loin en distance (le cône en bas de la figure) et de matière diffusant la lumière d’étoiles bleues très lumineuses (Cliché ESO).

La figure ci-dessous à gauche (© ESA/Gaia/DPAC/CU6/Observatoire de Paris-Meudon/Olivier Marchal, Carine Babusiaux & David Katz) montre les spectres obtenus par le spectrographe de Gaia, le Radial Velocity Spectrometer (RVS), en une seule observation (il y en aura environ 40 par étoile au cours de la mission) et sur une seule des trois bandes de CCDs, pour trois étoiles chaudes (températures entre environ 9000 et 20000 K). De nombreuses raies d’hydrogène (H), de calcium (Ca), d’hélium (He) ou d’azote (N) y sont bien visibles. Ces raies sont produites dans l’atmosphère des étoiles et reflètent la présence et l’abondance de ces éléments dans les atmosphères de ces étoiles supergéantes de types B1,5, A2 et B2. D’autres raies, indiquées par des flèches rouges, sont dues à la présence de matière interstellaire entre les étoiles observées et Gaia. Ces raies sont de la famille des bandes interstellaires diffuses (Diffuse Interstellar Bands, ou DIBs, en anglais), dont on ne sait pas actuellement par quelles molécules elles sont crées. La force (profondeur et largeur) de ces raies est corrélée à la quantité de matière interstellaire présente entre les étoiles observées et Gaia. Les spectres sont rangés par ordre d’extinction croissante de haut en bas. L’extinction y est caractérisée par le rougissement produit sur la lumière des étoiles par la traversée du milieu interstellaire : l’excès de couleur, E(B-V), croit de haut en bas, de même que la force des DIBs. Par comparaison la figure de droite montre des spectres obtenus au sol (Gaia-ESO survey) pour des étoiles de plus en plus lointaines : la force des DIBs augmente régulièrement avec la distance des groupes d’étoiles considérées, de moins de 1 kpc en haut à 4-6 kpc en bas (Puspitarini, Lallement, Babusiaux et al 2015).

Spectres RVS d’étoiles chaudes avec DIBs
ESA/Gaia/DPAC/CU6/Observatoire de Paris-Meudon/Olivier Marchal, Carine Babusiaux & David Katz

La combinaison des distances très précises attendues de Gaia et des mesures de l’intensité des raies DIB permettra la construction d’une carte en 3D du milieu interstellaire d’une précision sans précédent. En effet, la force de la DIB dépend de la quantité de matière interstellaire entre l’étoile et Gaia. La distance de l’étoile donne une borne supérieure à la distance de la matière qui contribue à la raie d’absorption DIB. En combinant les mesures de nombreuses étoiles distribuées à des distances différentes, on peut obtenir, par inversion, la distribution de la matière le long de la ligne de visée (méthode équivalente à la tomographie).

La comparaison avec les estimations de l’extinction obtenues à partir des observations du spectro-photomètre de Gaia permettra non seulement de produire une cartographie 3D sans précédent du milieu interstellaire galactique, mais aussi d’apporter de nouvelles contraintes sur les porteurs potentiels des DIBs.

Crédits : ESA/Gaia/DPAC/CU6/Observatoire de Paris-Meudon/Olivier Marchal, Carine Babusiaux & David Katz

Voir Gaia Image of the Week, 26-01-2015