Une comète parmi les étoiles
03/11/2015. Gaia a été conçu pour cartographier les positions et les mouvements d’un milliard d’étoiles dans notre Galaxie mais, en balayant régulièrement le ciel, Gaia observe aussi des objets beaucoup plus proches de nous, dans le système solaire, tels que des astéroïdes et des comètes.
Avec sa capacité à détecter les objets faibles et mobiles, Gaia a déjà identifié des dizaines de milliers d’astéroïdes depuis que les opérations scientifiques de routine ont démarré en Juillet 2014, et ces données sont utilisées pour déterminer leurs orbites avec une précision sans précédent. Les astéroïdes et les comètes sont constamment en mouvement parmi les étoiles : typiquement, un astéroïde de la ceinture principale va mettre deux jours à parcourir une distance équivalente à un diamètre de la Lune (environ 30 minutes de degré), soit plusieurs pixels pendant un seul transit sur le plan focal de Gaia. Une comète peut éventuellement aller encore plus vite. En conséquence, Gaia ne voit jamais un astéroïde ou une comète au même endroit, et un traitement spécial des observations doit être effectué pour les identifier.
Gaia est optimisé pour détecter les étoiles, qui lui apparaissent comme des sources ponctuelles, et pour mesurer leurs propriétés, mais il ne fait pas, normalement, d’images des objets célestes. Toutefois, un mode d’observation spécial peut être utilisé pour imager un objet particulier. C’est ce que les astronomes impliqués dans Gaia ont fait pour que les repéreurs d’étoiles de Gaia (les deux premières colonnes de CCDs du plan focal de Gaia) soient prêts à capturer une image de cette célébrité cosmique qu’est la comète 67P / Tchourioumov-Guérassimenko, dite Tchouri, accompagnée depuis de longs mois par une autre mission spatiale de l’ESA, Rosetta.
La comète Tchouri, et Rosetta, se promènent actuellement entre les orbites de la Terre et Mars. La comète, qui parcourt son orbite en 6 années et demie, a atteint sa luminosité maximum entre Août et Septembre, passant par son périgée, le point de son orbite le plus proche du Soleil, le 13 Août 2015. Rosetta suit et étudie la comète, sa surface et son environnement, depuis Août 2014 et va encore continuer à l’observer jusqu’à la fin de la mission, en Septembre 2016.
Pendant ce temps, Gaia scrute l’ensemble du ciel tous les trois mois, et les calculs ont permis de prédire quel serait l’endroit où se trouveraient Rosetta et sa comète le 14 Septembre 2015. A cette occasion, les astronomes se sont assurés que les repéreurs d’étoiles de Gaia observeraient cette partie du ciel avec le mode spécial qui permet d’enregistrer et de transmettre au sol une image complète et non seulement les sources ponctuelles qui s’y trouvent.
L’image ci-dessus montre la chevelure et la queue de la comète. Le noyau de la comète, et Rosetta qui était à cette époque à quelques 300 km de la surface, sont tous deux cachés dans le pixel central. Un certain nombre d’étoiles d’arrière-plan sont également enregistrées sur l’image qui mesure environ 4,5 minutes de degré de large, soit environ un septième du diamètre de la Lune.
Cette image de la comète Tchourioumov-Guérassimenko a surtout une valeur symbolique : une mission de l’ESA, Gaia, située à 1,5 millions de kilomètres de la Terre, observe une autre mission de l’ESA, Rosetta, et son objet d’étude, la comète Tchouri, situées toutes les deux à plus de 260 millions de kilomètres. Cependant, au cours de cette observation, des données scientifiques ont également été collectées : parallèlement au mode d’observation spécial qui a permis d’obtenir cette image, la comète a été repérée par le logiciel de détection à bord comme un « objet à mouvement suspect ». A la distance de 260 millions de kilomètres, Tchouri a semblé se déplacer de quelques 100 km par rapport aux étoiles d’arrière-plan au cours des trois secondes d’observation.
Au cours de sa mission de cinq ans, Gaia va observer des centaines de comètes et va régulièrement mesurer leurs positions avec une précision sans précédent. Ces données vont permettre aux scientifiques d’améliorer la détermination des orbites de nombreuses comètes avec une précision bien meilleure que celle qui peut être atteinte avec seulement des observations sol. Ils utiliseront également les observations de Gaia pour étudier leur composition et les propriétés de leur surface.